La LDH soutient le film “Des hommes” de LUCAS BELVAUX

Sortie en salle le 11 novembre

« Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements » de 1960. Deux ans plus tard Bernard, Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus. Ils ont vécu leurs vies.  Mais parfois il suffit de presque rien […] pour que quarante ans après le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier. »

Tout commence par une fête d’anniversaire dans une petite ville de province à l’occasion de laquelle remontent, comme un secret de famille longtemps étouffé, des événements qui ont lourdement marqué le passé de plusieurs des hommes réunis à cette occasion : les séquelles de ce qu’on n’appelait pas alors « la guerre » d’Algérie, où ils ont été appelés en 1960 alors qu’ils avaient à peine vingt ans ;  ils n’avaient pour la plupart d’entre eux jamais voyagé, et ont découvert à la fois « la beauté du monde et l’horreur dont l’humanité est capable ». Ils en sont revenus marqués à vie, sans pouvoir ni vouloir en parler ; et personne de leur entourage n’ose ou ne souhaite en parler avec eux. 

Pour le réalisateur Lucas Belvaux le thème majeur de ce film, adapté du très beau roman éponyme de Laurent Mauvignier, œuvre de fiction inspirée de la réalité, est « la confrontation des destins individuels avec la grande Histoire, les souvenirs, la culpabilité, les blessures secrètes et les marques indélébiles que la guerre laisse dans les consciences ». Le comportement de Feu-de-bois (surnom donné à Bernard âgé), personnage essentiel de ce récit, tourmenté, alcoolique, va être le facteur déclenchant de souvenirs pluriels, de soliloques de la mémoire, ressurgissant en flash-back après cette soirée ; chacun des hommes que sont devenus tous ces appelés de vingt ans, Bernard, Rabut, Février,  se retrouve confronté à ce qu’il a vécu sur cette terre coloniale qu’il croyait naïvement partir défendre ;  il en revoit, il en commente intérieurement, dans une sorte d’aller et retour avec sa vie d’aujourd’hui, des épisodes qu’il n’a jamais pu partager avec ses proches, sa femme, ses amis, et dont ce sera peut-être enfin le moment de parler. Au fil des récits des divers personnages (qui sont donc remarquablement interprétés par deux générations d’acteurs), sont évoqués par bribes : l’histoire d’amour malheureuse de Bernard avec la fille d’un colon pied-noir ; les battues dans les villages algériens à la recherche de caches des « fellagas », leurs habitants, femmes, vieux et enfants maltraités, humiliés, souvent tués et les maisons saccagées ; la découverte du cadavre du médecin du poste, assassiné après avoir été enlevé et torturé,  et sur lequel on a épinglé l’affiche « Soldats français, vos familles pensent à vous ! Retournez chez vous ! » ; les expéditions punitives, la peur des bruits dans la nuit, les histoires atroces qui circulent, la position intenable des harkis du poste ; et puis en contrepoint déchirant l’accueil chaleureux de Bernard dans la famille du harki Idir lors d’une permission à Oran… Mais quand ils reviendront de cette sale guerre qui ne dit pas son nom, toutes les questions qu’ils se seront posées sur les actions auxquelles ils ont participé là-bas et sur leur légitimité ne pourront plus être abordées. Comment et à qui raconter ce qu’on a fait, dont on a honte et qu’on n’aurait jamais cru pouvoir faire ?

Soulignons que la construction en flash-back et voix off qu’a gardée Lucas Belvaux, comme dans le livre de Laurent Mauvignier, n’a pas qu’une importance formelle ; elle renvoie simultanément au silence dans lequel sont enfermés les acteurs de ce drame et aux souvenirs, aux interrogations et aux doutes qui les taraudent, avant d’avancer peut-être vers un échange qu’ils ne savent pas encore possible ; et elle permet, par ces allers et retours incessants entre passé et présent, « de montrer le regard d’un homme au début de sa vieillesse sur ce qu’il était quand il avait vingt ans », de faire dialoguer les personnages d’aujourd’hui avec ceux qu’ils étaient au moment des « événements » d’Algérie, le temps ayant créé la distance nécessaire à la rupture du silence. Elle ouvre ainsi à la confrontation des récits et des points de vue différents qui illustrent bien la complexité de cette « guerre sans nom », ainsi que la qualifiaient Bertrand Tavernier et Patrick Rotman dans un documentaire de 1992, et de ses conséquences et donne à des destins individuels une place dans l’histoire et la conscience politique françaises.

Thématiques : Algérie, colonialisme, racisme, discriminations, guerre, torture, mémoire, Maghreb
Des hommes
Durée : 1h40
Réalisation
: Lucas Belvaux
Avec Gérard Depardieu, Catherine Frot et Jean-Pierre Darroussin

Communiqués de la LDH

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