Communiqué LDH
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a une longue tradition de lutte contre les dérives des forces de l’ordre, qu’elles prennent la forme d’abus au quotidien – comme le harcèlement ciblé et discriminatoire de certaines catégories de population ou quartiers spécifiques – ou de la répression des mouvements sociaux.
Lorsque Malik Oussekine est décédé en décembre 1986, la LDH avait alors appelé à des sanctions exemplaires contre le peloton de « voltigeurs » responsables. Elle s’est à nouveau indignée des décès, dans le cadre d’interventions policières, de Zyed Benna, Bouna Traoré, Adama Traoré et plus récemment de Cédric Chouviat. Elle a porté une commission d’enquête suite à la mort de Rémi Fraisse, tué d’un tir de grenade offensive de la part d’un gendarme lors d’un rassemblement écologiste. La liste des victimes est longue. Sans compter qu’aujourd’hui encore, la vague de répression et l’escalade de la violence policière en manifestation continue de provoquer de nombreuses mutilations sur des citoyennes et citoyens, notamment dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes ».
Qu’il s’agisse de faire la lumière sur les dérives des forces de l’ordre (violences, abus, harcèlements et humiliations), d’engager des actions en justice contre l’utilisation dangereuse et disproportionnée de certaines techniques d’interpellation ou d’armes, ou de dénoncer les politiques répressives portées par les gouvernements successifs en matière de maintien de l’ordre ou de harcèlement de populations stigmatisées, la LDH est présente.
Pourtant, nous observons que les déploiements répressifs des forces de l’ordre dans les quartiers, comme en manifestation, font l’objet d’une disproportion croissante, aux conséquences trop souvent dramatiques pour les victimes et incompatibles avec notre démocratie.
Dans le même temps, l’existence même des violences perpétrées par les forces de l’ordre est niée, parfois même au motif qu’elles seraient toujours légales et de ce fait, légitimes en droit, sauf exception relevant de fautes personnelles de policiers. Faute d’une enquête impartiale par un organisme indépendant, la justice ne peut généralement pas réprimer ces violences. De surcroît, la tolérance à certaines pratiques dangereuses les banalise et en nie les conséquences au mépris des droits des citoyennes et citoyens et des libertés publiques. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle ne fait que conforter l’impunité dont bénéficient le plus souvent les forces de l’ordre.
C’est dans ce contexte que la LDH, généralement avec des partenaires, s’est donc engagée dans des démarches d’observation citoyenne dans le cadre d’observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, sur l’ensemble du territoire. Ces observatoires, qui permettent de faire le jour sur ces abus et violences, notamment dans le cadre des mobilisations sociales, constituent un outil militant de lutte au service des citoyennes et citoyens.
La LDH formule plus généralement les demandes suivantes :
– une réelle transmission des données, par la création d’un service d’enquête indépendant et d’une publication de l’activité des forces de l’ordre et notamment des faits de violences commises ;
– une révision des méthodes d’intervention de maintien de l’ordre afin de prévenir les dérives constatées dues à des armements inadaptés et dangereux, à des objectifs contradictoires assignés aux forces de l’ordre par les autorités publiques et parfois à l’absence de coordination du commandement mais, plus généralement, à des choix politiques d’un certain type de maintien de l’ordre ;
– l’interdiction des techniques d’immobilisation mortelles et des armes de guerre en maintien de l’ordre, l’encadrement réglementaire précis et détaillé des possibilités d’usage des armes dans le Code de la sécurité intérieure ;
– un traitement judiciaire équitable des faits de violences policières et un meilleur encadrement des procédures d’outrage et rébellion ;
– la prévention des contrôles au faciès, avec notamment l’instauration d’un récépissé de contrôle d’identité ;
– une réforme des conditions autorisant ces contrôles d’identité, aujourd’hui détournés de leur objet à des fins de pression et de répression, notamment envers les étrangers, et la suppression des possibilités pour le procureur de la République de délivrer des autorisations générales de contrôle ;
– la formation des policiers et gendarmes, notamment ceux intervenant dans les quartiers populaires et le changement de choix d’intervention policières dans ces quartiers ;
– le retrait des dispositions de l’état d’urgence inscrites dans la loi Silt ainsi que l’abrogation des dispositions du 10 avril 2019 (délit de dissimulation du visage, réquisition du procureur pour fouiller aux abords des manifestations, comparution immédiate pour délit d’attroupement…) ; l’abrogation des délits d’intrusion dans les établissements scolaires et de participation volontaire à un groupement violent ;
– le respect du statut des observatrices et observateurs et des journalistes, et plus généralement de la liberté d’informer et de rendre compte des pratiques des forces de l’ordre.
Afin de porter l’ensemble de ces revendications et de mettre en lumière l’existence de ces violences, la LDH appelle à participer à la Marche contre les violences policières, le samedi 14 mars, à Paris.
Paris, le 11 mars 2020
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