Communiqué du comité de soutien de Fariba Adelkhah et Roland Marchal, relayé par la LDH
Le 23 décembre, Fariba Adelkhah, prisonnière scientifique en Iran depuis le 5 juin, co-signait une lettre avec sa collègue d’infortune, l’Australienne Kylie Moore-Gilbert, dans laquelle l’une et l’autre annonçaient se mettre en grève de la faim à partir du 24 décembre pour obtenir la reconnaissance de leur innocence et le respect des libertés académiques dans la République islamique et l’ensemble du Moyen-Orient.
Si nous sommes sans nouvelles précises de Kylie Moore-Gilbert, toujours détenue dans le quartier des Gardiens de la Révolution de la prison d’Evin, à Téhéran, et condamnée à dix ans de prison, nous savons que Fariba Adelkhah, transférée dans le quartier des prisonnières de droit commun, et blanchie par un tribunal du chef d’inculpation d’espionnage tout en continuant de faire l’objet d’accusations (« atteinte à la sécurité nationale » et « propagande contre la République islamique ») tout aussi fantaisistes, poursuit toujours sa grève de la faim. Elle est placée sous surveillance médicale, et reçoit à intervalles réguliers des injections de sérum qui lui permettent de résister physiquement. Sur le plan psychologique, sa détermination reste entière. Il ne s’agit pas, dans son esprit, d’une grève de désespoir, mais d’un combat pour obtenir sa libération mais aussi celle de tous les prisonniers scientifiques en Iran et, avant tout, celle de son compagnon Roland Marchal, arrêté en même temps qu’elle, toujours détenu dans le quartier des Gardiens de la Révolution, et privé de visites consulaires depuis décembre. Fariba Adelkhah serait prête à suspendre sa grève de la faim si Roland Marchal était libéré, car elle nourrit les plus vives inquiétudes sur son état de santé – alarmes que nous partageons en nous interrogeant sur ce que les Gardiens de la Révolution ont à cacher pour refuser ainsi la visite consulaire due à notre collègue, et que la publication récente sur le site du Centre for Human Rights in Iran de lettres écrites par Kylie Moore-Gilbert durant sa détention n’ont fait que renforcer.
Il y a une semaine, Fariba Adelkhah, tout en poursuivant sa grève de la faim, a refusé de réintégrer sa cellule et tient depuis un sit-in dans les parties communes de la prison – il semble que le terme utilisé soit celui de bast, lieu d’asile et de protestation éthique, qui renverrait alors implicitement à la révolution constitutionnelle de 1906, au cours de laquelle les mosquées et les ambassades avaient servi de refuges aux dissidents qui réclamaient l’instauration d’un État de droit et de justice. Fariba Adelkhah exige de rencontrer Roland Marchal pour le réconforter et s’assurer de son état de santé, et elle s’insurge contre l’isolement auquel il est soumis. Cette visite lui est refusée par les Gardiens de la Révolution sous le prétexte qu’ils ne sont pas mariés légalement. Or ils le sont en fait religieusement, depuis leurs études communes à Strasbourg, à la fin des années 1970. L’avocat de Fariba Adelkhah et Roland Marchal s’emploie actuellement à légaliser ce mariage pour débloquer la situation.
Fariba Adelkhah insiste sur son refus de toute politisation de son incarcération. Elle a été arrêtée par une institution bien précise, celle des Gardiens de la Révolution, dont les interrogatoires ont démontré leur ignorance la plus complète de ce qu’était la recherche scientifique, au contraire du ministère du Renseignement qui l’avait questionnée à plusieurs reprises ces vingt dernières années. Elle rappelle qu’elle n’a jamais eu la moindre activité politique en Iran ou à propos de l’Iran, et qu’elle n’a jamais mis en cause la légitimité de la République islamique, en estimant que son activité scientifique était incompatible avec le militantisme politique. Elle ne se considère donc pas comme une prisonnière politique, mais comme une prisonnière scientifique, ainsi que nous l’avions immédiatement affirmé, sitôt connue son arrestation. Sa grève de la faim n’a d’autre revendication que la reconnaissance de la liberté scientifique en général, et en particulier de celle de Roland Marchal et de la sienne propre. Elle sait que son combat est approuvé ou entendu au sein même de la République islamique, et qu’elle bénéficie de la compréhension de certains détenteurs de l’autorité politique, administrative ou judiciaire.
Sur la base de ces informations, nous réitérons notre demande d’une libération immédiate et inconditionnelle de Fariba Adelkhah et Roland Marchal, ainsi que des autres prisonniers scientifiques en Iran. Nous tenons le gouvernement de la République islamique pour responsable de l’intégrité physique et mentale de nos collègues.
Le 23 janvier 2020