Le 10 novembre 2016, la mairie de Paris a ouvert une « bulle » porte de la Chapelle. Elle matérialisait le nouveau centre « humanitaire » parisien d’accueil des migrants. Cette structure inédite en France visait à éviter la formation périodique de campements de rue. La capacité d’hébergement était de 400 places dans un ancien bâtiment de la SNCF. Prévu pour l’accueil des « primo-arrivants », ce centre devait permettre d’accueillir des hommes seuls pendant cinq à dix jours. Et ainsi absorber le flux quotidien d’arrivées à Paris, estimé alors grossièrement à plus d’une cinquantaine de personnes par jour.
Lorsque Vincent Gaullier et Raphaël Girardot ont appris l’ouverture de ce camp, cela faisait plusieurs mois qu’ils cherchaient où « poser leur engagement cinématographique » pour rendre compte de ce qu’on appelle la « crise des migrants ». « Insupportés par la formule, révoltés par la raideur de notre société, effrayés par cette position occidentale toujours si prompte à se protéger, émus par nos rencontres avec des réfugiés dans les camps sauvages de Paris ou chez nous quand nous les avons hébergés, nous cherchions un film à faire. Nous cherchions à faire partager notre regard sur eux. Et tenter de faire changer celui des autres ».
Ce qu’apporte de nouveau ce film par rapport aux nombreux films qui documentent ce drame, est dû au dispositif qui lui donne forme. Les réfugiés sont en transit dans ce centre de premier accueil où ils se reposent de la rue où ils ont échoué à leur arrivée en France. Quelques jours à peine d’humanité, que nous passons avec eux. Mais déjà, ils doivent affronter la Préfecture et entendre la froide sentence administrative et nous sommes toujours avec eux.
Les réalisateurs saisissent ces moments où ils se sentent enfin accueillis, un lit où s’allonger tout habillé parce que, sans doute, l’habitude a été perdue ; on y rencontre des hommes, jeunes la plupart, ayant vécu des expériences traumatiques et qui, à peine accueillis, sont confrontés à une bureaucratie kafkaïenne et ce sont les mêmes accueillants qui font preuve d’humanité et informent des refus, des renvois exigés par un règlement.
Pourtant, à l’exception d’un réfugié venu d’Europe de l’Est qui s’insurge contre la situation qui lui est faite, la majorité des réfugiés semble vivre cette horreur avec une résignation qui chez certains donne le sentiment qu’ils sont devenus des morts-vivant. Chez les plus jeunes néanmoins demeure l’espoir d’une « vraie » vie comme chez ce jeune africain qui s’est retrouvé enfant à la rue dans son pays et a fui vers la France avec le rêve de devenir D’J, rêve inentamé malgré tout ce à quoi il a été confronté.
Ce film nous bouleverse. Ces hommes ont fui un pays qui était le leur, une famille (une femme et des enfants, pour la plupart), une langue, une culture et ils se retrouvent dans un pays qui ne veut pas d’eux, dont ils ne connaissent pas la langue, la plupart du temps. On les sent perdus, livrés à un monde brutal et inhumain.
Or, cette bulle qui de toute façon ne pouvait pas accueillir l’ensemble des réfugiés arrivant à Paris (et l’attente éprouvante devant la bulle est aussi documentée), a fermé au bout de 18 mois d’existence.
Une question nous est posée : comment supporter l’inhumanité dont notre pays fait preuve ?
« Non, ces personnes ne sont pas un fléau, elles sont notre avenir, comme notre passé et notre présent le prouvent. Oui, elles sont comme nous, des êtres humains avec des histoires de famille, des métiers et des rêves. Demain, elles seront Nous. » Vincent Gaullier, Raphaël Girardot.
Thématiques : immigration, témoignages de réfugiés, camp « humanitaire », politique de « l’accueil »
En transit
Réalisation : Vincent Gaullier et Raphaël Girardot
Durée : 1h40
Pays : France