En salle le 30 janvier 2019
À Madagascar en 1947, les rebelles insurgés contre le système colonial sont appelés fahavalo, « ennemis » de la France. Les derniers témoins évoquent leurs longs mois de résistance dans la forêt, armés seulement de sagaies et de talismans. Les images d’archives inédites filmées dans les années 1940 dialoguent avec les scènes de la vie quotidienne dans les villages aujourd’hui. Les récits des anciens et la musique hypnotique de Régis Gizavo nous transportent dans le passé pour découvrir cette histoire refoulée.
Cette rébellion et la répression féroce qui a suivi sont évoquées à l’aide d’images d’archives mais ce qui enrichit humainement le propos réside dans les témoignages de survivants de la tragédie. Et surtout, la parole est donnée, sans jugement aussi bien à ceux qui ont combattu qu’à ceux qui ont choisi le camp des vazaha (colons blancs européens et français ainsi désignés par les autochtones) ou encore à une famille métis.
La violence de cette répression militaro-policière est rendue non seulement par les narrations-témoignages mais aussi grâce au recours aux images d’archives qui montrent le combat inégal entre une armée fortement outillée en armes de destruction, et des paysans armés de sagaies et de talismans, lesquels dopaient leur volonté de résistance mais ne leur laissaient que peu de chance de renverser un rapport de force irrémédiablement défavorable.
C’est donc un film qui ouvre le champ d’une parole porteuse de la réalité vécue par les hommes et les femmes d’aujourd’hui, avec leurs hésitations, les souvenirs qui s’effacent, les émotions pudiquement recouvertes d’un sourire ou d’un rire.
Le film fait ainsi des aller-retour entre les images d’archives évoquant la dure réalité de l’époque coloniale et les images d’aujourd’hui filmées avec une qualité exceptionnelle, où l’on voit que les modes de vie ont malheureusement peu évolué quatre-vingts ans plus tard.
Marie-Clémence A. Paes, dont c’est le premier film en tant que réalisatrice, a passé son enfance à Madagascar. Elle a voulu, dit-elle, « faire un film de témoignages non didactique, un voyage dans la mémoire, un voyage physique à l’endroit où ça s’est passé. » Cela donne un beau film qui progresse au rythme de la parole malgache.
C’est donc un travail de mémoire que ce film accomplit, mémoire de faits par trop ignorés, parce qu’occultés ou oubliés pour des raisons qu’il n’est pas à propos d’expliquer ici, mémoire qui n’est pas, comme nous l’avons montré, celle de l’historien.
Thématiques du film : colonisation, luttes pour l’indépendance, décolonisation, mémoire.