Sortie le 30 novembre 2016
Prix international des cinémas d’art et d’essai, CICAE, Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2016
À la fois humain et réaliste, ce film montre la vie des montagnards afghans, telle que la réalisatrice, qui a 26 ans, et l’un de ses amis l’ont vécue dans leur enfance. Tourner sur place eût été trop dangereux : elle a reconstitué un village analogue plus au nord, au Tadjikistan, et choisi des acteurs afghans parlant la langue de son village.
Dans ce petit village de montagne, il n’y a ni école, ni téléphone, ni automobiles, ni argent. À part les quelques achats auprès du marchand ambulant, que les femmes paient avec des œufs, les matières premières de la vie sont les pierres, la terre, le bois, la corde. Les animaux qu’ils élèvent fournissent le reste, y compris le crottin qui sèche en galettes sur les maisons et sert de combustible. Ils ont des poules et de maigres troupeaux de moutons, quelques chèvres, un âne et pour les plus riches un bœuf. Ils vivent dans un paysage magnifique et désolé, brûlé de soleil en été et glacial en hiver.
C’est leur vie quotidienne que nous voyons : les femmes chargées de la nourriture, les querelles des co-épouses, les commérages ; l’exercice collectif de la justice, l’enterrement, les soins donnés en cas d’accident, de l’attelle à une patte de mouton au pansement sur l’œil crevé d’un enfant. Car les enfants sont au centre du film. Querelles des filles qui se volent du lait entre elles, bagarres des garçons qui jouent à la fronde au lieu de surveiller les moutons, jusqu’au jour où les loups surprennent les troupeaux. Un grand-père leur a pourtant raconté la légende du loup Kashmir, ennemi des riches et des voleurs, qui cache sous sa peau une petite fée verte.
Deux enfants de 11 ans transgressent l’interdiction de communiquer entre garçons et filles et deviennent amis : Sediqa, différente des autres qui la considèrent comme maudite, et Qodrat dont le père est mort et la mère remariée, abandonnant ses enfants. La demi-sœur de Qodrat vient pour l’emmener à la ville, et Sediqa reste seule avec ses moutons.
C’est alors que surviennent les loups, les vrais, les hommes armés devant lesquels les paysans, abandonnant leurs maisons, s’enfuient dans la montagne.
Il ne s’agit aucunement d’un film politique. Mais il donne à voir une société vivant aujourd’hui quasiment à l’âge médiéval, avec ses croyances et ses faims, sans beaucoup de religion, sans école ni médecins ; où règnent la polygamie, le sexisme, le mariage des petites filles de 9 ans avec des hommes de 40 ans, où une fille vaut neuf bœufs et où l’on bat les enfants comme plâtre. Mais où se rencontrent aussi l’humanité et l’intelligence.
Shahrbanoo Sadat montre avec délicatesse, sans le juger, le monde de cette enfance qu’elle a eu la chance de pouvoir quitter pour aller étudier et faire du cinéma. Elle en montre aussi la faiblesse face aux inventions du monde moderne comme les kalachnikovs.
Wolf and Sheep
Fiction, 2016
Durée : 1h26
Réalisation : Shahrbanoo Sadat
Co-production internationale
Distribution : Pretty Picture