Sortie le 16 novembre 2016
Frappée de plein fouet par la crise économique de 2008, l’Espagne a vu son taux de chômage frôler les 27 % en 2012. Des centaines de milliers de personnes se sont alors retrouvées dans l’incapacité de rembourser leur crédit immobilier puis expulsées de leur logement, tout en restant endettées auprès de leur banque. A Barcelone, un collectif citoyen, apolitique et spontané, s’est mis en place pour proposer son aide à ces victimes de prêts toxiques – des hommes et des femmes de tous âges et de tous horizons qui n’auraient jamais pensé qu’ils pourraient un jour se retrouver sans emploi et sans toit. Et qui n’auraient peut-être jamais osé demander de l’aide, meurtris par la honte et l’incompréhension. A travers l’entraide et la solidarité, ils vont reprendre espoir et surtout voir la vie et le monde qui les entoure sous un nouveau jour.
Dans un contexte socio-économique où plus de 3 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté (avec moins de 307 € / mois), où 6 millions de chômeurs (dont 93 % de chômage durable) subissent la précarisation de leurs conditions de vie, où se multiplient les expulsions (100 000 pour la seule année 2012), le film s’attache à scruter les conséquences concrètes sur la vie des personnes touchées et à chroniquer les réunions de la PAH (Plateforma de afectados por la hipoteca), la plateforme des victimes du crédit hypothécaire, selon deux lignes de force parallèles, lesquelles se croisent dans la réalité lorsque les personnes concernées viennent exposer leur situation, que des solutions leur sont proposées par les personnes présentes et qu’à leur tour ils participent à la mise en œuvre de ces solutions pour d’autres. En donnant la parole longuement et avec respect à ceux qui endurent dans leur chair et leurs émotions les multiples violences provoquées par les soubresauts d’un capitalisme en phase d’échouage, en montrant leurs souffrances, leurs batailles, leurs défaites et leurs victoires, le film produit un témoignage intime sur la situation sociale en Espagne.
Y sont ainsi dépeintes, à travers tous ces témoignages, les causes structurelles qui ont conduit à l’explosion de la crise des prêts hypothécaires et de ses conséquences économiques et surtout humaines – en Espagne, la loi sur les hypothèques est abusive et délictueuse ; elle a été critiquée et censurée par la Cour de justice européenne.
Et dans le même temps, le film dépeint le puissant processus d’autonomisation et d’émancipation sociale qui a conduit à la mise en œuvre de la Plateforme pour les personnes touchées qui deviennent des agents sociaux actifs à travers leurs revendications. Ce mouvement, non seulement leur permet de trouver des solutions concrètes, même si non définitives, telles que le squat d’appartements propriété des banques qui les ont jetés à la rue, mais aussi et surtout, est-on tenté de dire, de retrouver du sens à leur vie en découvrant la puissance de l’entraide et de la solidarité. Car dans ce processus beaucoup ont trouvé en eux quelque chose de fort et de profondément révolutionnaire : la joie de se retrouver sur l’essentiel, d’être généreux avec les autres, de construire une force de groupe et de faire face ensemble.
Les témoignages sont poignants tant ces gens ont subi de plein fouet une violence inouïe et l’évocation de la manière dont l’action collective leur a permis de se relever, de reprendre leur dignité, de se débarrasser de la culpabilité et de la peur et de cesser d’être prisonniers d’une situation dont ils ne sont pas responsables est tout aussi émouvante ; où l’on voit que cette action est mue par une solidarité de cœur chaleureuse et conviviale.
Pendant une année (d’octobre 2013 à juin 2014), l’équipe du film s’est rendue deux fois par semaine à Sabadel, une cité industrielle située à 20 km de Barcelone, pour assister aux assemblées qui se tenaient dans la Granja del Pas, la grande maison et ancienne ferme où se réunissaient les membres de la PAH dont Ada Colau, l’actuel maire de Barcelone, a été une figure de proue.
C’est un très beau film qui contribue à la dénonciation des ravages d’un capitalisme sans frein, absurdement destructeur d’humanité, et met en valeur la capacité d’y résister par la mise en œuvre d’une contre-société organisée autour de règles privilégiant la solidarité et l’action collective.
Afectados (Rester debout)
Documentaire, Espagne, 2014
Durée : 1h22
Réalisation et production : Silvia Munt
Distribution : Dissidenz Films