Communiqué commun LDH et Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s (Gisti)
En mars 2015, la cour d’appel de Paris rendait une décision stupéfiante en remettant en cause la minorité d’un jeune étranger isolé de 17 ans qui présentait, à l’appui de sa demande de protection, un acte de naissance et une carte d’identité authentifiés par les services de police. Pour dénier toute valeur probante aux documents établissant la minorité de ce jeune, les juges relevaient l’existence d’erreurs de chronologie dans le récit de vie qu’il avait livré lors de son arrivée en France, sa mauvaise volonté supposée à se soumettre à une expertise osseuse ainsi qu’une « allure » et une « attitude » différentes de ce qu’ils estiment être celles d’un adolescent de 17 ans.
Le jeune s’est pourvu en cassation contre cette décision qui, en dépit de toute logique, donnait plus de poids à l’apparence qu’aux documents d’état civil. La Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat de la magistrature et le Gisti se sont joints à son action. Peine perdue, le 11 mai 2016, les juges de cassation ont rejeté ce pourvoi.
Pour valider – « sauver » serait un terme plus juste – la décision de la cour d’appel, ils ont dû passer sous silence les deux arguments les plus fallacieux utilisés par celle-ci pour contester la minorité de ce jeune : pas un mot sur l’expertise osseuse ordonnée mais finalement jamais réalisée, rien, non plus, sur l’invocation de l’apparence du jeune étranger à l’audience. Après l’adoption, en mars dernier, par le Parlement, d’une disposition prohibant l’utilisation de ces tests osseux en cas de présentation de documents d’identité valables ou en l’absence de l’accord de l’intéressé, il était en effet difficile de reprocher à un mineur de ne pas s’être soumis à un tel examen. Il était encore plus inavouable de retenir l’argument « à la tête du client », utilisé par les juges d’appel. Ne restaient plus que les incohérences, dans les déclarations du jeune.
Pour la Cour de cassation, les déclarations d’un adolescent suffisent à jeter le doute sur le contenu de ses documents d’état civil étrangers, même s’ils ont été jugés par ailleurs authentiques.
En pratique, les déclarations de ces jeunes étrangers qui arrivent en France livrés à eux-mêmes sont souvent décousues, parfois incohérentes, et cela se comprend aisément. Ils vivent seuls, souvent dans la rue et ont parfois subi de lourds traumatismes au cours de leur périple vers l’Europe semé de dangers en tous genres, de violences et de mensonges.
En autorisant les juges du fond à récuser si facilement les documents d’état civil étrangers, les juges de la Cour de cassation valident un système inique de tri des mineurs étrangers isolés dont les départements ne veulent pas assumer la prise en charge, alors qu’elle leur revient de droit.
Décidément, le maquillage juridique de politiques publiques féroces et discriminatoires envers les étrangers est un exercice facile.
Paris, le 26 mai 2016
Organisations signataires :
- Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s
- Ligue des droits de l’Homme