Communiqué de la Plateforme pour les droits économiques, sociaux et culturels (Desc), dont la LDH est membre
Le 30 octobre le Sénat a entériné le vote de l’Assemblée nationale du 26 juin en votant à son tour oui à la ratification par la France du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
ACCÈS A UN NOUVEAU RECOURS EN JUSTICE AU NIVEAU INTERNATIONAL
Collectif d’une trentaine d’organisations (syndicats, associations de défense des droits l’Homme et de solidarité internationale, coalitions) œuvrant en faveur de la lutte contre la pauvreté et pour les droits humains, la Plateforme DESC salue ce vote historique qui marque une avancée majeure pour la protection et la justiciabilité de l’ensemble des droits humains en France.
Adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 2008, ce protocole vise à renforcer le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ci-après Pacte) auquel la France a agréé en 1980. En cela, il ne crée pas de nouveaux droits, mais fournit un moyen de faire appliquer ceux déjà reconnus dans le Pacte : les droits au travail, à la santé, à l’éducation, à la nourriture, à l’eau, à des installations sanitaires, au logement, à la sécurité sociale, à un environnement sain et à la culture.
Entré en vigueur le 5 mai 2013, il permet aux victimes de violations de leurs droits économiques, sociaux et culturels d’avoir accès à un recours au niveau international, au même titre que pour les droits civils et politiques, lorsqu’elles n’ont pas pu obtenir justice au niveau national.
Les tribunaux français étant réticents à reconnaître l’applicabilité directe1 des droits reconnus dans le Pacte, ce protocole, qui ouvre une nouvelle voie de recours, fournit un outil indispensable aux personnes dont les droits sont violés ou la dignité bafouée, en particulier celles qui vivent dans la pauvreté.
Pour toutes ces raisons, la plateforme DESC se félicite de la ratification par la France de ce Protocole et appelle le gouvernement à transmettre prochainement l’instrument de ratification aux Nations unies afin qu’il entre en vigueur au plus vite.
DES MÉCANISMES OUBLIéS
Malgré cette importante avancée, nos organisations regrettent que le gouvernement français – qui se déclare régulièrement en faveur des droits l’Homme et de la lutte contre la pauvreté – n’ait pas profité de la ratification du Protocole pour reconnaître l’application des mécanismes de requêtes interétatiques et d’enquêtes, posés par les articles 10 et 11 du Protocole, et auxquels la France doit expressément consentir par une déclaration officielle pour qu’ils s’appliquent.
Ces deux mécanismes qui résultent du besoin identifié d’apporter une protection spéciale aux groupes les plus vulnérables et d’aborder certains sujets de préoccupation particuliers, sont essentiels pour mettre en place un système de garantie de la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels de toutes et tous, le plus complet possible.
Parce que les droits économiques, sociaux et culturels sont des droits fondamentaux universels à part entière, garants de la lutte contre la pauvreté, nos organisations estiment qu’il est indispensable que la France reconnaisse l’application des mécanismes de requêtes interétatiques et d’enquêtes.
Paris, le 30 octobre 2014
1. L’applicabilité directe des traités internationaux et leur primauté sur les lois nationales françaises sont posés par l’article 55 de la Constitution de 1958 qui dispose que les « traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».
Notes aux rédactions :
Parmi les signataires du Protocole facultatif figurent les Etats suivants : Angola, Arménie, Azerbaïdjan, Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Chili, Congo, Ex-République yougoslave de Macédoine, Ghana, Guatemala,Guinée-Bissau, Îles Salomon, Irlande, Italie, Kazakhstan, Luxembourg, Madagascar, Maldives, Mali,Paraguay, Pays-Bas, République démocratique du Congo, Sénégal, Slovénie, Timor-Leste, Togo, Ukraine, Venezuela.
Parmi ceux qui l’ont ratifié on compte : Argentine, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Costa Rica, ElSalvador, Équateur, Espagne, Finlande, France, Gabon, Mongolie, Monténégro, Portugal, Slovaquie et Uruguay.
Négligés de longue date, les droits économiques, sociaux et culturels ont reçu moins d’attention que les droits civils et politiques. Alors que la France a ratifié le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politique dès 1985 il aura fallu attendre 2012 pour qu’elle s’engage à ratifier le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Lors de la conférence mondiale sur les droits de l’Homme de Vienne en 1993, les Etats ont convenu que : « la communauté internationale doit traiter les droits humains globalement, de manière équitable et équilibrée, sur un pied d’égalité en leur accordant la même importance ». Le protocole constitue une évolution concrète en ce sens.