Il y a douze ans le camp de Sangatte fermait. Depuis, des centaines de migrants continuent de vivre à Calais ou dans les environs de la ville, en butte aux violences policières et dans des conditions d’hygiène indignes de la France. Le 28 mai, 200 policiers ont été mobilisés pour évacuer 3 camps. De nombreuses associations d’aide aux migrants ont lancé une pétition demandant la mise en place d’un camp humanitaire.
La question des exilés de Calais et de leur situation a émergé dans la seconde moitié des années 80, au moment où des personnes bloquées à la frontière britannique se sont trouvées à la rue, une partie d’entre elles devant pouvoir bénéficier d’une protection internationale. Dans seconde moitié des années 1990, avec l’arrivée de personnes fuyant les guerres accompagnant l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie, la visibilité du phénomène et la pression des associations ont amené les autorités à ouvrir des lieux d’accueil provisoire, puis en 1999 un lieu durable, à Sangatte, en-dehors du droit commun, donc hors de toute politique d’accueil assumée.
Depuis la fermeture du Centre de Sangatte, la logique qui prévaut est celle du déni de la présence des personnes et de la répression : contrôles, arrestations, brutalités policières, expulsions et destructions des lieux de vie, expulsions du territoire utilisées comme moyen de dissuasion. Faute de lieu, les exilés vivent dans des tentes, des cabanes, des squats insalubres, voire roulés dans une couverture et une bâche plastique. Le versant « humanité » censé équilibrer la « fermeté » de cette politique s’est réduit à quelques fragiles concessions aux associations humanitaires. Le changement de majorité en 2012 n’a pas entrainé de changement de politique, la répression s’est plutôt intensifiée, légèrement tempérée suite à la décision du Défenseur des droits sur le sujet (rendue en novembre 2012 sur une saisine de juin 2011).
Manuel Valls, en visite à Calais en décembre 2013, a annoncé un volet répressif (renforcement des effectifs policiers) et un volet « humanité » (étude de possibilités d’accueil qui pourraient être des « maisons du migrant »). Le volet répressif est en place, et on constate une aggravation de la pression et des violences policières. Le volet accueil s’est traduit pour l’instant par la reprise de la gestion d’un squat qui accueille les femmes exilées par une association d’insertion, comme alternative à l’expulsion. Solution précaire, financée par des reliquats de plan grand froid, dans une maison de taille modeste accueillant plus de 60 femmes et enfants, sans lisibilité au-delà d’octobre.
L’expulsion médiatisée de trois campements le 28 mai dernier a été accompagnée d’une réaction inédite des exilés, qui ont occupé le lieu aménagé pour la distribution des repas pour protester contre les expulsions et revendiquer des conditions d’accueil dignes, ont élaboré des demandes communes et ont commencé à autogérer leur nouveau lieu de vie. Faute de réponse des autorités, certains ont entamé une grève de la faim.
Après un début de dialogue, la préfecture a en effet stoppé toute communication, puis vient d’annoncer la poursuite à l’identique de la même politique, hormis quelques facilités pour les demandeurs d’asile. Comme si l’État ne pouvait plus ni faire ni penser autre chose que reproduire ce qu’il fait déjà depuis des années, quel que soit le résultat.
Par Philippe Wannesson, membre du groupe de travail « Etrangers Immigrés »
Signez la pétition « ASSEZ ! Pétition pour un accueil digne pour les sans-papiers »