Communiqué du Forum citoyen pour la responsabilité sociale des entreprises (FCRSE) dont la LDH est membre
Aujourd’hui se tient à l’Assemblée nationale le débat parlementaire sur la Loi d’orientation et programmation relative à la Politique de développement et de solidarité internationale. En l’état, ce texte propose des avancées réelles pour encadrer les activités des multinationales dans les pays du Sud. Mais, le Gouvernement pourrait affaiblir la portée de ce texte en supprimant des dispositions essentielles.
Or, nous souhaitons rappeler au Gouvernement que lors des Assises du développement, de nombreuses organisations ont pointé la nécessité de mieux encadrer les activités des multinationales dans les pays du Sud, pour ne pas porter atteinte à leur droit au développement. Il s’agit là d’une condition sine qua non. Sans elle, tout effort en matière d’aide au développement, et tout discours relatif à l’engagement de la France en faveur d’une mondialisation plus juste, seront vains.
Nos organisations saluent le travail parlementaire mené jusqu’à présent et qui a permis que le projet de loi sur le développement, extrêmement faible dans sa première mouture en ce qui concerne la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, assume finalement de porter une vision ambitieuse de la France sur l’encadrement des multinationales pour leurs activités à l’étranger.
En effet, malgré l’opposition farouche de Bercy, les députés de la Commission des Affaires étrangères ont réussi à inscrire dans le projet de loi le devoir de vigilance, qui exige des multinationales qu’elles prennent en compte et préviennent les impacts négatifs en matière de droits humains, d’environnement et de droits des travailleurs, pouvant découler de leur activité (1).
Une opposition du Gouvernement à cet ajout laisserait clairement apparaitre un désaveu des ambitions qu’il avait affichées publiquement. Nous craignons en effet que le gouvernement ne propose aujourd’hui, dans les débats en plénière, des amendements de suppression visant à faire perdre toute substance sur cette dimension, à cette loi fondatrice.
Il faut rappeler que la France s’est déjà engagée internationalement en faveur de la diligence raisonnable (pour l’ONU) ou du devoir de vigilance (pour la norme ISO) en votant en faveur des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme (en 2011), de la révision des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales (en 2011) et de la norme ISO 26000 donnant des lignes directrices sur la responsabilité sociétale (en 2010). D’autres gouvernements (Espagne, Danemark, Etats-Unis, Canada…) proposent déjà des solutions de mise en pratique de ce principe. Par son obstruction à la mise en œuvre effective du devoir de diligence, le Gouvernement renie la signature de la France, au détriment des droits humains et de l’environnement.
Ce long combat pour la reconnaissance de la responsabilité juridique des maisons-mères vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger devra continuer au-delà des débats sur cette loi. Des initiatives ont été prises en ce sens par des parlementaires (2). Elles méritent d’être étudiées dans les mois à venir.
Paris, le 10 février 2014
(1) http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-commission/r1762-a0.asp
(2) C’est le cas par exemple de la Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre déposée par le groupe SRC, Ecologiste et RRDP.