Communiqué commun FIDH et AEDH
La FIDH et le REMDH expriment leurs préoccupations face aux abus constatés dans plusieurs procédures judiciaires devant la justice militaire et civile tunisienne, faisant craindre une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Ces dérives portent un coup à des libertés fondamentales, telles que la liberté d’expression, essentielles au bon fonctionnement de la démocratie tunisienne.
Le 4 janvier dernier, la Cour d’appel militaire de Tunis a décidé de confirmer la condamnation de Ayoub Messaoudi, ancien conseiller du président tunisien Moncef Marzouki chargé de l’information, et d’alourdir sa peine à 12 mois de prison avec sursis. Il a été condamné pour avoir porté atteinte à la dignité et la renommée de l’armée tunisienne et pour avoir diffamé un fonctionnaire public, d’après le code de justice militaire et le code pénal tunisiens.
En août 2012, il avait démissionné de son poste de conseiller en critiquant ouvertement la façon dont la décision d’extrader en Libye l’ancien Premier ministre libyen avait été prise par le chef du gouvernement, le ministre de la défense et le chef des armées tunisiens, sans en informer le Président Marzouki au moment opportun. Les avocats de Messaoudi se sont pourvus en cassation. « Cette décision de la Cour d’appel militaire de Tunis à l’encontre de Ayoub Messaoudi cautionne l’atteinte portée à la liberté d’expression et au débat démocratique », a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH. « Le simple fait qu’un civil est poursuivi devant un tribunal militaire viole le droit à un procès équitable. La législation tunisienne devrait être modifiée afin de restreindre la compétence des tribunaux militaires aux infractions commises par les forces armées », a-t-elle ajouté.
Le 3 janvier dernier, la chambre d’accusation du tribunal de première instance de Tunis a décidé de maintenir en détention provisoire Sami Fehri, producteur de télévision et PDG de la chaîne privée Ettounsiya TV, poursuivi pour complicité dans une affaire de corruption et de malversations de sa société de production « Cactus Production », remontant à l’époque du président déchu Ben Ali. Cette décision intervient alors que le 28 novembre 2012, la Cour de cassation tunisienne cassait la décision de mise en examen et ordonnait la libération de Fehri, ce qui n’a jamais été mis en œuvre. Fehri, poursuivi en tant que complice, est le seul àêtre détenu dans cette affaire depuis août 2012, date coïncidant avec l’arrêt de l’émission « Logique politique », émission satirique passant sur Ettounsiya TV, souvent critique du gouvernement en place. « Ces irrégularités et péripéties judiciaires dans l’affaire de Sami Fehri ne témoignent pas d’une bonne santé de la justice tunisienne », a déclaré Michel Tubiana, Président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme. « Bien que nous puissions louer la volonté d’enquêter sur les affaires de corruption durant le régime Ben Ali, nous ne pouvons que condamner le non respect de décisions de justice et questionner les raisons de cet acharnement judiciaire dont il semble faire l’objet », a-t-il ajouté.
La FIDH et le REMDH appellent les autorités tunisiennes à respecter la liberté d’expression et à œuvrer à une justice indépendante et respectueuse des garanties du droit à un procès équitable, éléments essentiels d’une démocratie saine.
Tunis, le 15 janvier 2013
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