La question constitutionnelle en France

L’article 89 de la Constitution prévoit, en matière de révision constitutionnelle, une initiative concurrente du Président de la République « sur proposition du Premier Ministre » (projet de révision constitutionnelle) et de tout membre du Parlement (proposition de révision constitutionnelle). Une intervention de Jean-Pierre Dubois, Université Jean Monnet, Sceaux, Président d’honneur de la LDH



Dans un cas comme dans l’autre, elle exige une adoption « par les deux assemblées en termes identiques », ce qui signifie que, contrairement à ce qui se passe pour les lois ordinaires, les députés ne peuvent pas imposer leur point de vue aux sénateurs : la « navette » continue jusqu’à accord complet entre les deux assemblées parlementaires débouchant sur un « vote conforme ».

Une fois ce vote acquis, la révision doit être adoptée par référendum si elle a été initialement proposée par un député ou par un sénateur. Si en revanche elle émane d’une initiative présidentielle, le Président de la République peut la soumettre soit au référendum, soit au vote du Parlement convoqué en Congrès (les deux assemblées se fondant en une seule), le projet de révision constitutionnelle ne pouvant alors être adopté (sans qu’aucun amendement soit encore possible à ce stade) qu’à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Enfin, si la « loi constitutionnelle » portant révision est adoptée, elle peut être soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, mais celui-ci ne peut alors contrôler que le respect des conditions (de procédure) posées par l’article 89 de la Constitution, et pas, bien entendu, le respect des autres dispositions de la Constitution (le principe même d’une révision impliquant que ces dispositions puissent disparaître…). En d’autres termes, sur le fond, le pouvoir de révision est souverain.

Il résulte de ces données que si le Président de la République s’abstenait de toute initiative la proposition de révision constitutionnelle en cours d’examen parlementaire continuerait à être soumise à la « navette » jusqu’à accord complet entre les deux assemblées, puis serait nécessairement soumise à référendum.

Si au contraire le Président de la République décidait, « sur proposition du Premier Ministre », de déposer devant le Parlement un projet de révision constitutionnelle (qui pourrait parfaitement reproduire à l’identique le contenu de la proposition de loi constitutionnelle déjà examinée), il faudrait de la même manière que ce projet soit voté « en termes identiques » par les députés et par les sénateurs (et là encore la navette continuerait jusqu’à accord total), mais ensuite le Président de la République pourrait éviter le recours au référendum en convoquant le Congrès, composé de 925 parlementaires (577 députés et 348 sénateurs réunis). Le projet devrait alors être adopté par au moins 60% non pas de ces 925 membres du Congrès (soit 555 voix), mais des suffrages exprimés (par exemple, seulement par 495 voix si 100 membres du Congrès sont absents ou s’abstiennent).

Il convient en dernier lieu d’observer que la proposition de loi constitutionnelle tendant à insérer un article 72-5 dans la Constitution, comme l’avait fait la loi constitutionnelle de 1992 y insérant un article 88-3 à la suite du traité de Maastricht, prévoit qu’« une loi organique détermine les conditions d’application du présent article », c’est-à-dire renvoie au Parlement (statuant dans des conditions plus solennelles que pour une « loi ordinaire », et avec contrôle automatique de constitutionnalité a posteriori par le Conseil constitutionnel) la détermination des règles de mise en œuvre de la révision constitutionnelle. Or ces règles peuvent être de grande importance : la proposition de loi constitutionnelle votée par le Parlement en 2000 (Assemblée nationale) puis en 2011 (Sénat) ne fixait pas, par exemple, la durée de résidence exigible pour l’exercice du droit de vote.

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