Etrangers : la dernière (de) Valls

La circulaire parue le 11 mars est un texte inacceptable qui se situe ouvertement dans la logique du chiffre, diminue un peu plus les droits des personnes migrantes et réduit leur possibilité d’accéder au séjour.



La circulaire dite de « lutte contre l’immigration irrégulière » rendue publique le 11 mars par le ministère de l’Intérieur, se situe non seulement dans la logique répressive vis-à-vis des migrants héritée des gouvernements antérieurs, mais encore dans une claire volonté de l’aggraver aux dépens du respect des droits et des libertés publiques. Elle est d’autant plus inacceptable de la part d’un gouvernement qui se réclame encore des valeurs de la gauche.

La politique suivie par M. Valls revendiquait à la fois l’humanité et la « fermeté », mais sa vraie nature s’est apparentée à celle du pâté d’alouette, 1 % d’humanité pour 99 % de fermeté. Et cette répression accrue s’est perfectionnée avec une remarquable cohérence…

Avec cette circulaire, l’ex ministre de l’Intérieur a affiché clairement sa satisfaction de surpasser ses prédécesseurs dans le nombre des « éloignements forcés », et sa volonté de faire mieux encore à l’avenir. Il s’est situé ouvertement dans cette logique du chiffre qu’il prétendait remettre en cause et dont les dégâts (chasse aux sans-papiers, expulsions brutales, familles brisées, droits fondamentaux bafoués) se constatent chaque jour. On perçoit de mieux en mieux la cohérence d’une politique qui, sous couvert d’une volonté de « réforme », vise à accentuer la pression qui s’exerce sur les migrants par la mise en œuvre convergente de processus de plus en plus répressifs.

D’une part, c’est l’application toujours la plus restrictive possible de la circulaire dite de régularisation de novembre 2012, qui exclut certaines catégories et subordonne la régularisation à une longue période de présence sur le territoire (au moins cinq ans).

D’autre part, c’est la volonté de faciliter les reconduites à la frontière et d’en accroître encore le nombre :

- sous couvert d’alternative à la rétention pour les familles, on développe l’assignation à résidence qui coupe trop souvent les personnes menacées d’un accès effectif à l’information et rend plus difficile l’exercice du droit de recours ;

- le texte appelle les forces de l’ordre à intensifier « une présence effective des forces de l’ordre pour effectuer les contrôles d’identité et les interpellations nécessaires », c’est-à-dire à multiplier les contrôles au faciès, clairement discriminatoires, mais aussi à opérer des interpellations au domicile ou dans les foyers où sont hébergés les migrants ;

- la panoplie des moyens à utiliser est rappelée de la garde à vue au placement en rétention pour préparer le départ, les incitations au retour volontaire, jusqu’aux poursuites pénales, y compris dans les cas où l’éloignement n’aurait pas pu être réalisé.

Enfin, c’est le projet d’accélérer le traitement des demandes d’asile tout en mettant les demandeurs sous un contrôle plus strict, de façon à pouvoir éloigner encore davantage de personnes avant qu’elles n’aient pu s’insérer dans la société française, et bénéficier éventuellement des rares ouvertures en matière de régularisation. Anticipant ainsi sur la réforme de l’asile prévue dans les prochains mois et qui devrait accentuer la mise sous contrôle des demandeurs d’asile :

- la circulaire prévoit d’inciter les préfets à délivrer des refus de séjour avec obligation de quitter le territoire aux déboutés du droit d’asile dès le refus de celui-ci, sans que soit rappelée leur obligation d’examiner les possibilités d’accès au séjour dont la personne pourrait bénéficier à un autre titre. Au mépris de la jurisprudence ;

- elle entend exclure ces déboutés du dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun, pour les assigner à résidence, les surveiller étroitement et in fine les expulser vers le pays d’origine, et non vers les pays de l’UE où ils pourraient avoir des attaches, quelle que soit leur situation, les risques de persécution en cas de retour ou, là encore, leur droit au séjour à un autre titre (vie familiale, travail, maladie, etc.) en France ou ailleurs en Europe. Et au mépris du Code de l’action sociale et des familles ;

- pire encore, le texte prévoit de solliciter de l’Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour une communication plus complète et plus rapide de documents d’identité et d’état civil des déboutés, dans le but de faciliter la délivrance des laissez-passer consulaires et de hâter la reconduite à la frontière, quels que soient les risques de persécution en cas de retour. Ainsi se manifeste une volonté inquiétante d’accentuer la tutelle du ministère de l’Intérieur sur l’Office. Au détriment de sa mission de protection, sachant en particulier que nombre de demandeurs n’obtiennent le statut de réfugié qu’à la deuxième ou troisième tentative.

Au total, cette circulaire est donc un texte inacceptable, significatif de la volonté politique de se situer dans la « contrôle des flux migratoires », de diminuer un peu plus les droits des personnes migrantes, toujours considérées comme des fraudeurs en puissance et désignées implicitement comme des profiteurs et des indésirables, et de réduire leur possibilité d’accéder au séjour. Un discours qu’on ne connaît que trop bien et qui, en remettant en cause les droits de quelques-uns, se révèle attentatoire aux droits de tous et, indirectement, aux libertés publiques. La Ligue des droits de l’Homme exige son retrait et s’associe aux démarches unitaires dans ce sens.

Communiqués de la LDH

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