63 migrants morts en Méditerranée : les victimes font appel du non-lieu décidé par la justice française

Communiqué commun, dont LDH

Deux survivants, soutenus par nos organisations, ont fait appel hier du non-lieu du tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire du « bateau abandonné à la mort ». Une plainte avait été déposée en France, le 14 juin 2013, qui mettait en cause l’armée française pour omission de porter secours à personne en péril. Le 6 décembre, la juge d’instruction vient d’ordonner un non-lieu ab initio, en refusant d’ouvrir une information judiciaire.



Dans son ordonnance, la juge a conclu que, « après les enquêtes minutieuses et complètes effectuées par ces organismes à rayonnement international, il n’a été trouvé aucun élément permettant de retenir la responsabilité d’un bateau français ». Elle se base sur un rapport publié par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en avril 2012, ainsi qu’un rapport d’experts indépendants, Forensic Oceanography. A la différence de la juge, nos organisations estiment que ces rapports soulèvent de nombreuses questions quant à la responsabilité de l’armée française, qui justifient l’ouverture d’une enquête judiciaire ; ce que la justice française refuse de faire.

«  Les arguments développés dans la plainte sont solides. Cette décision n’est donc pas du tout justifiée à nos yeux. Les rescapés espèrent maintenant obtenir gain de cause en appel » a déclaré Stéphane Maugendre, avocat des victimes et Président du Gisti.

« 63 personnes ont trouvé la mort à proximité des forces françaises. Une fin de non-recevoir n’est donc pas acceptable. La justice française doit enquêter et faire toute la lumière sur cette tragédie. Les survivants et les victimes méritent au moins cela » a déclaré Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH.

Cette affaire met également en cause les forces militaires italiennes, espagnoles, belges, britanniques, canadiennes et américaines qui se trouvaient elles aussi à proximité de l’embarcation à la dérive. A ce titre, les survivants ont d’ores et déjà déposé plainte en Italie, en 2012, en Espagne, en juin 2013, et en Belgique, le 26 novembre dernier. Par ailleurs, des demandes de communication d’informations ont été déposées au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et au Canada afin d’obtenir des précisions sur les actions des armées de ces trois pays en Méditerranée à la période des faits litigieux.

Les survivants porteront l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme s’ils n’obtiennent pas justice devant les juridictions nationales.

Rappel des faits :

En mars 2011, 72 migrants quittent la Libye en guerre, à bord d’un Zodiac à destination de l’Italie. Très rapidement, ils perdent le contrôle de l’embarcation et lancent un appel au secours. Leur appel est reçu par les garde-côtes italiens qui adressent alors des messages de détresse à l’OTAN et aux militaires présents en mer Méditerranée en indiquant leur localisation. Ces appels seront renouvelés toutes les 4 heures pendant 10 jours. Personne ne leur vient en aide. Le Zodiac croise un avion, un hélicoptère militaire, deux bateaux de pêche et un gros navire militaire, qui ignorent ses signaux de détresse. Après 15 jours de dérive, le bateau est rejeté sur les côtes libyennes. A son bord, seuls 11 survivants, dont 2 meurent peu après le débarquement en Libye. 63 personnes, dont 20 femmes et 3 enfants, ont trouvé la mort faute de secours. (Lire « 63 migrants morts en Méditerranée : l’armée française mise en cause pour non-assistance à personnes en danger », et le rapport de Forensic Oceanography).

L’enquête de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a conclu que, « Les pays dont les navires dans les environs du bateau battaient pavillon ont manqué à leur obligation de sauver ces personnes » (Lire le rapport, « Vies perdues en Méditerranée : qui est responsable ? »).

Dernièrement, la Cour européenne des droits de l’Homme a été amenée à se prononcer sur le sort réservé par l’Italie aux migrants qui tentent de gagner l’Europe par la mer. Dans l’affaire Hirsi c. Italie, elle a qualifié d’intolérable le mépris et l’indifférence qui leur sont réservés, affirmant que la mer Méditerranée n’est pas une zone de non-droit.

Signataires :

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme

Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme

Ligue des droits de l’Homme

Migreurop

Gisti

Paris, le 12 décembre 2013

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