Lettre ouverte à Manuel Valls et Laurent Fabius au sujet de M. Ablyazov

Lettre ouverte conjointe, cosignée par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), le Bureau Kazakh pour les droits de l’Homme et le respect du droit (KIHBR) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), à Manuel Valls et Laurent Fabius au sujet de M. Ablyazov.



Manuel Valls
Ministre de l’Intérieur de la France

Laurent Fabius
Ministre des Affaires étrangères de la France

Paris, 5 septembre 2013

Objet : Lettre ouverte concernant les demandes d’extradition de M. Moukhtar Abliazov

Messieurs les Ministres,

À la suite de l’arrestation de M. Moukhtar Abliazov en France le 31 juillet 2013, la FIDH, la LDH et le KIBHR vous exhortent à ne pas l’extrader vers le Kazakhstan ou vers tout autre pays où il risque d’être jugé de manière inéquitable et/ou d’être extradé vers le Kazakhstan.

M. Moukhtar Abliazov, qui critique ouvertement le régime du président du Kazakhstan, M. Noursoultan Nazarbaev, est accusé d’avoir détourné des fonds alors qu’il était à la tête de la banque BTA. Mr Abliazov s’est enfui du Kazakhstan en 2009. En 2011, le Royaume-Uni lui a accordé l’asile politique au motif qu’il risquait d’être persécuté au Kazakhstan. En 2012, il est entré dans la clandestinité après qu’un tribunal anglais l’ait condamné à 22 mois de prison pour outrage à la cour pour ne pas avoir révélé son patrimoine. Recherché par Interpol, il a été arrêté en France.

Sans prendre position quant au bien-fondé ou non des charges retenues contre M. Abliazov, la FIDH, la LDH et le KIBHR vous prient instamment de ne pas le renvoyer vers un pays où il risque d’être soumis à un procès inéquitable ou à une extradition vers le Kazakhstan. Il semble que les poursuites engagées contre M. Abliazov sont fondées sur des motifs politiques, comme le prouve le harcèlement qui vise sa famille. Sa femme et sa fille ont été expulsées de manière illégale de l’Italie au Kazakhstan en mai 2013. De plus, le régime de M. Nazarbaev est connu pour avoir mis en prison des opposants et infligé des mauvais traitements à des détenus, comme cela a été dénoncé dans de nombreux rapports.

Nous précisons que le Kazakhstan a demandé l’extradition de M. Abliazov le 2 août 2013, tout comme la Russie et l’Ukraine. Si M. Abliazov est extradé vers la Russie ou l’Ukraine, il est fort probable qu’il sera ensuite envoyé vers le Kazakhstan car ces trois pays coopèrent en effet dans le cadre de la convention multilatérale de 1993 sur l’entraide judiciaire, appelée Convention de Minsk. Le 6 août 2013, le Procureur général du Kazakhstan a annoncé que son pays prendrait « toutes les mesures possibles prévues par la loi pour qu’Ablyazov soit extradé ».

Nous soulignons que M. Abliazov est un réfugié au sein de l’Union européenne ; l’asile politique lui a été accordé au motif qu’il risquait d’être persécuté au Kazakhstan. Ce motif est toujours aussi valable et toute accusation formulée à l’encontre de M. Ablyazov doit faire l’objet d’une enquête au sein de l’Union européenne. Nous insistons aussi sur le fait que la France, en tant que signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de la Convention de 1984 contre la torture doit respecter le principe de non-refoulement.

Nous espérons que vous tiendrez compte de ces éléments lorsque vous étudierez les demandes d’extradition de M. Abliazov.

Veuillez agréer l’expression de notre considération,

Signataires :

Roza Akylbekova, directrice du KIBHR

Karim Lahidji, président de la FIDH

Pierre Tartakowsky, président de la LDH

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