Les droites extrêmes en embuscade

Les droites, qu’elles soient décomplexées, néo-conservatrices, nationalistes, catholiques de « tradition », identitaires, souverainistes ou ultras, sont à l’offensive sur tous les terrains (dans la rue, à l’Assemblée, au Sénat…) et sur quasiment tous les dossiers. Elles exploitent chaque hésitation, chaque faiblesse de François Hollande et de son gouvernement.



La chercheuse Florence Haegel analyse « la droite française [comme] en fusion au sens où elle semble échauffée, enflammée par la série de défaites électorales, locales, présidentielle et législatives, et les tensions et débats qu’elles ont inévitablement générées ». [1]

Tandis que Guillaume Peltier, le « bébé Buisson » de la Droite forte, présente l’UMP comme le parti de l’ordre et du mouvement, de « l’ordre juste » (France Inter, 9 avril 2013), d’autres mouvances n’hésitent pas à reprendre les codes et slogans des gauches radicales pour clamer : « on ne lâche rien » en rêvant d’un printemps français [2], d’un « mai 2013 » qui enterrerait Mai 68 et le Mariage pour tous [3]. Bref, les ingrédients de « la guerre culturelle » [4] sont réunis.

Pour ces droites (dont nombre d’entre elles se revendiquent républicaines au sens « mégretiste » du terme), il s’agit non seulement de s’opposer au Président « élu par défaut » (Minute, 10 avril 2013) mais également de contester « la gauche […] usée après à peine un an d’exercice du pouvoir, impuissante à apporter des réponses à la crise et incapable d’incarner un espoir pour les Français. » [5], ou encore, pour le FN, « L’état PS plus impopulaire que jamais et l’UMP plus que jamais sans âme ni consistance » [6].

Ces dernières semaines, les droites – entre concurrence et convergences [7] – utilisent le prétexte de l’affaire Cahuzac pour alimenter un climat propice à « une révolution civique » (UMP), un « sursaut patriote » (Front national) ou une « Union des patriotes pour enrayer la crise morale, politique et économique qui ruine la France » (Siel [8]). Ils prétendent s’appuyer sur la « France normale » (Minute), la « France des invisibles » (Valeurs actuelles) ou la « France des oubliés » (Marine Le Pen) pour conquérir (ou reconquérir) les pouvoirs locaux comme première étape vers 2017.

Pour autant, s’agissant particulièrement de l’UMP et du FN, cette affaire n’a pu être exploitée autant que l’auraient certainement souhaité les dirigeants de ces organisations.

L’UMP, entachée par les affaires Karachi et Bettencourt également révélées par Mediapart, préfère « insister sur le mensonge » comme Jean-François Copé l’affirmait lors du bureau politique du 2 avril [9] précise que le message minimal à l’issu de ce bureau politique est : « il faut cogner sur François Hollande et l’exécutif, qui est discrédité, il ne faut rien voter avec le PS. » Est-ce que cela explique (outre l’idée de ne pas paraitre trop intimement associé à l’orientation du « capitalisme mondialisé » du Medef de Laurence Parisot pour coller à l’orientation « vers le peuple » de Patrick Buisson), l’abstention de l’UMP lors de l’adoption du projet de loi entérinant l’ANI ?

Du côté du Front national, l’opportunité était trop belle d’alimenter le « tous pourris » et les frasques de « l’UMPS » (Jean-Marie Le Pen parlait de la « bande des quatre : UDF-RPR-PS-PC ») sur lesquels il capitaliserait.
Mais, à peine Marine Le Pen avait-elle appelé à la démission du gouvernement et à la dissolution de l’Assemblée nationale à la suite des aveux de Jérôme Cahuzac, qu’elle dût en rabattre.
En effet, le quotidien Le Monde révélait le rôle de Philippe Péninque, ancien membre du Gud – groupuscule étudiant musclé – et conseiller officieux de la benjamine Le Pen. Philippe Péninque [10]s’était chargé de l’ouverture du compte suisse de Jérôme Cahuzac qu’il connaissait bien et de longue date. Le Canard enchainé (10 avril 2013) rappelait également les révélations faîtes en 1992 par la mère de Marine Le Pen, que Jean-Marie Le Pen « avait planqué au moins 40 millions de francs (soit 6,10 millions d’euros) à l’UBS de Genève. Le magot était alors cogéré par un éditeur français, Jean-Pierre Mouchard, trésorier de l’association de financement du FN, Cotelec ».

Face à ce retour de flamme, Marine Le Pen se retrouvera sur la défensive et privilégiera la posture victimaire. Pour autant, on peut lire dans Nations presse Magazine d’avril 2013 [11], au sujet des municipales de 2014 : « c’est justement en choisissant des candidats à l’intégrité incontestable que le FN propose un renouveau ». Intégrité incontestable, à voir. Mais en tout état de cause, l’affichage est clair. Via une nouvelle génération militante, il s’agit de refaire le coup du « mains propres, tête haute ».

Comme le souligne le politologue Jean-Yves Camus : « Le Front a survécu à toutes les turpitudes concernant les question d’argent qui sont sorties à son sujet. […] A chaque fois qu’une affaire de corruption éclate, on a l’impression que c’est la première. Mais depuis les années 1980, c’est un mouvement de fond : le FN a certes beaucoup capitalisé dessus, mais son essor n’est pas seulement dû à cela. […] Les questions de sécurité, d’immigration, la situation économique perdurent, et ce sont aussi des thématiques traditionnelles du FN… »

André Déchot,
responsable du groupe de travail « Extrêmes droites »

Communiqués de la LDH

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