Les Roms, marqueurs d’Europe

Voilà une évidence qui ne saute pas aux yeux : les Roms ont toute l’Europe comme patrie. Ils y
vivent depuis sept siècles. Ils en sont donc l’un des peuples fondateurs.
Là où sont les Rroms, il y a de l’Europe. Ils y constituent la plus nombreuse des minorités
culturelles, soit près de 15 millions de personnes.



Les Rroms étrangers (essentiellement des
Roumains et Bulgares), qui vivent en France, sont au nombre de 15 000 environ, soit un millième
de l’ensemble des Rroms vivant sur notre très petit continent.
Dans les instances politiques européennes, tant à Bruxelles [1], au siège du Parlement de l’Union
européenne1, qu’à Strasbourg au siège du Conseil de l’Europe (qui réunit les représentants de 47
États) on utilise, désormais, le mot Roms pour désigner un peuple composite dont l’unité, liée à ses
origines, à sa culture, à son histoire, ne doit pourtant pas masquer la grande diversité.

L’Europe des Roms déborde largement l’Union européenne. C’est par centaines de milliers qu’on les
retrouve en Turquie (principalement en Thrace occidentale), dans les Balkans (en Albanie,
Macédoine, Monténégro, Kosovo, Serbie…) sans oublier, à l’est de la Roumanie, la Moldavie et
même l’Ukraine et la Russie.

Cette présence généralisée fait des Roms des « marqueurs d’Europe ». Les Roms roumains qui,
après « la chute du mur de Berlin », au début des années 1990, sont passés à l’Ouest (plus en
Espagne ou en Italie qu’en France d’ailleurs) considérés, jusqu’en 2007, comme des ressortissants de
pays non communautaires (bref, des migrants comme les autres) sont ainsi devenus des
ressortissants à part entière de l’Union européenne.

Cela a tout changé, mais les citoyens de l’Union européenne, et nombre de leurs dirigeants
politiques, ne l’ont pas intégré, aussi continuent-ils de considérer cette population comme extérieure
à l’Union et c’est avec difficulté qu’on a commencé à admettre que la libre circulation des Roumains
(Roms ou pas) est un droit qu’ils partagent avec d’autres…, Polonais ou Portugais par exemple.
Expulser de France, en car ou par charters, des personnes qui sont autorisées par la législation
communautaire à parcourir, sans obstacle, toute l’étendue de l’Union, est devenu iillégal, inefficace
et inutilement coûteux.

Avait-on sérieusement analysé, pendant les négociations d’adhésion de la Roumanie et de la
Bulgarie à l’Union européenne, les conséquences de cette entrée de deux peuples ; parmi les plus
pauvres dans le vaste ensemble politique dominé économiquement par des États pourvus ? Si oui,
les nombreux Roms de ces deux pays sont à leur place, de plein droit, dans toute l’Europe
communautaire et, sinon…, il fallait y penser avant !

Il aura fallu cinq ans, de 2007 à 2012, pour que cette réalité communautaire s’impose mais ce n’est
pas fini. L’entrée prochaine de la Croatie, en 2013, va ouvrir l’Union européenne à 30 000 ou 40 000
Roms supplémentaires2.
Quelles que soient les réticences qui, à présent, se font jour, il faudra bien, tôt ou tard, que de nouveaux partenaires s’adjoignent à l’Union européenne et que l’on cesse de traiter, comme non-Européens, des Roms kosovars ou monténégrins (qui ont déjà l’euro comme monnaie), les Roms [2]
macédoniens (citoyens d’un État que seule la Grèce écarte de l’Union, pour des raisons nationalistes
liées au nom de Macédoine), des Roms serbes (appartenant à un pays déjà prêt à se porter candidat),
des nombreux Roms turcs enfin, (souvent proches parents des Roms bulgares, leurs voisins).

On reconnaît, disait Vaclav Havel, le niveau démocratique d’un pays à la façon dont il traite la
minorité rom. Il en savait quelque chose dans un pays qui allait se couper en deux : la République
tchèque et plus encore la Slovaquie sont, aujourd’hui, loin d’être exemplaires dans leurs politiques à
l’égard des Roms.

Au reste qui l’est ? Cette affirmation par laquelle les Roms se prétendent « nation sans territoire »
(c’est-à-dire, en clair, nulle part et partout chez eux, en Europe) est incompréhensible et choquante
pour la majorité des Européens. Le différend, de politique qu’il est donc, tend à devenir hétérophobe
et le rappel de Günter Grass, pour qui « les Roms sont ce que nous essayons de devenir : de
véritables européens », (présents parmi tous les autres peuples, avant que ne soient constituées
l’Allemagne, l’Italie ou la Roumanie), ne suffit pas à calmer les tensions engendrées par cette
présence à l’Europe qui ne passe pas, principalement, par l’appartenance à un État.

Le sort des Roms est européen. Certes. Mais pas au sens où l’entendent ceux qui voudraient
renvoyer les Roms dans leur pays, chez eux. Mais chez eux, en Europe, ils y sont ! Vouloir se
débarrasser de la présence des plus démunis de nos compatriotes européens est dangereux, pour les
intéressés mais également pour nous mêmes. Si la France ne peut accueillir toute la misère du
monde européen, elle doit en prendre sa part, région par région, ville par ville, sans chercher à faire
porter toute la charge par les autres.

L’Union européenne, l’an passé, a demandé à chaque État de définir un plan d’insertion des Roms à
dix ans (dans les domaines de la santé, du logement, de l’emploi, et de la scolarité). L’initiative était
heureuse. La réponse du gouvernement français fut, comparée à celles d’autres États, médiocre et
ambiguë. Le rapport annuel d’avancement de l’état et de l’exécution de ces plans fournira l’occasion
de clarifications utiles. Nous voulons en retenir le caractère positif.

Pour paraphraser Vaclav Havel, qui n’hésitait pas à affirmer que ce sont les faibles qui font l’histoire,
ne peut-on, à notre tour, déclarer que c’est à la façon dont l’Europe traite une partie d’elle-même, les
Roms, que se jugent les espoirs de voir se réaliser une Europe démocratique ?

Communiqués de la LDH

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