Le Forum civique Européen alerte sur la détérioration rapide de l’espace civique et de l’État de droit en France

Communiqué du Forum Civique Européen dont la LDH est membre

Le Forum civique européen se réjouit de la mobilisation massive de centaines de milliers de personnes qui a eu lieu les 28 et 29 novembre dans 70 villes de France pour la défense des libertés publiques. 

Ces manifestations soulignent l’inquiétude que suscitent les propositions législatives actuellement examinées par le gouvernement français et renforcent les appels pour un contrôle des policiers qui se comportent avec une violence indue afin qu’ils rendent des comptes.

Le Forum civique européen est inquiet des déclarations du gouvernement français et des propositions législatives visant à réduire l’espace civique et qui affaibliraient l’État de droit. 

Le gouvernement français affirme que trois questions justifient sa position :

– La lutte contre le terrorisme ;

– La prévention de la violence dans l’espace public, notamment lors des manifestations ;

– La protection des agents de la force publique contre les atteintes intentionnelles qui résulteraient de la divulgation de leurs données personnelles sur les médias sociaux. 

Le Forum Civique Européen est aux côtés des acteurs de la société civile en France et partage la préoccupation exprimée par des organismes internationaux que les mesures prévues mettent à mal les libertés civiques et portent atteinte à l’État de droit en France.

Trois sujets de nature juridique et législative doivent nous alarmer.

  1. Fermeture de mosquées et dissolutions d’associations

Le cadre juridique français pour la création des associations est l’un des plus solides au monde et s’est révélé apte aux développement des multiples activités des associations depuis plus d’un siècle. La dissolution d’associations est possible sur la base de motifs juridiques clairs, principalement liés à la conduite d’actions violentes, , comme cela a été le cas ces dernières décennies. Cela ne semble pas être le cas en ce qui concerne les présentes décisions du gouvernement français. Les acteurs de la société civile française s’interrogent sur le manque d’éléments factuels présentés par les autorités pour leur décision.

Comme l’a déclaré l’ENCL (European Center for Not-for-Profit Law), la dissolution d’une association est “la sanction la plus sévère et une restriction à la liberté d’association ; une telle décision ne devrait être prise qu’après un examen attentif …”. Il s’ensuit que toute décision de dissoudre une association doit être fondée sur des motifs juridiques indiscutables et non sur des considérations politiques. 

  1. La loi “sécurité globale” présentée par le gouvernement a été votée par l’Assemblée nationale française en première lecture, le 24 novembre.

Du point de vue des libertés publiques, plusieurs dispositions de ce projet de loi sont extrêmement préoccupantes. Elles permettraient transmettre aux centres de commandement des images des manifestants et des passants prises par la police en direct avec leurs caméras individuelles et des drones. Cela ouvrirait la voie à l’utilisation en temps réel des technologies de la reconnaissance faciale des personnes participant à ces manifestations.

Nous sommes préoccupés par la proportionnalité de ces mesures. Il faut aussi noter qu’elles contribuent à une approche “préventive” de la surveillance policière des manifestations, très présente ces dernières années, visant à décourager la participation. 

Le projet de loi prévoit également l’interdiction de diffuser au risque de nuire des images ou toutes autres caractéristiques qui identifient des agents des forces de l’ordre. La loi française punit déjà ceux qui divulguent des informations mettant en danger des fonctionnaires. En même temps, les acteurs civiques en France rappellent que les images capturées par les journalistes et les membres du public ont contribué à exposer les abus de pouvoir et l’utilisation disproportionnée de la violence étatique ces dernières années.

Nous sommes préoccupés par le fait que la nouvelle disposition limiterait la possibilité de surveiller les fautes de la police et de fournir des preuves qui peuvent garantir la justice pour les victimes.

La large mobilisation contre cette disposition ainsi que les images choquantes de brutalité policière de ces derniers jours ont placé cette question au centre du débat public. Il en a résulté que malgré le premier vote au Parlement, le Premier ministre a été contraint de proposer la réécriture de l’article 24 qui concerne cette divulgation de caractéristiques identifiables des policiers.

Maintenant que le gouvernement a reconnu les risques posés par cette législation, il faut aussi que toutes les autres dispositions qui soulèvent de telles préoccupations soient retirées du projet de loi.

  1. Procédure accélérée pour une loi de réforme de la programmation de la recherche publique 

Une disposition de cet autre projet de loi stipule que “les libertés académiques sont exercées dans le respect des valeurs de la République”. Sans attendre, le ministre de l’Education a dit aux universités ne sont pas fondées à faire des recherches sur un sujet tels que ‘”l’islamophobie” qu’il considère comme “sans fondement” académique. Introduire des restrictions légales aux thèmes de recherche universitaire au nom de considérants politiques serait une atteinte à la liberté académique.

En conclusion, nous demandons instamment que les menaces que ces textes font peser sur l’État de droit en France soient examinées sans délai dans le cadre de l’évaluation de l’Etat de droit qui incombe à la Commission européenne et que les préoccupations découlant d’une telle évaluation soient portées à l’attention des autorités françaises.

Le Forum Civique Européen poursuivra le suivi de la situation et alertera les institutions européennes et les médias sur nos préoccupations. 

Notre prochain évènement public (2 et 3 décembre), qui porte sur la protection du droit de manifester, sera l’occasion de discuter de ces développements en France dans le contexte de la détérioration plus générale des libertés publiques dans toute l’Europe.

Paris, Bruxelles, 30 novembre 2020

Communiqués de la LDH

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