Asile en Île-de-France : ça sonne dans le vide

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Un recours est déposé aujourd’hui contre la plate-forme téléphonique de l’OFII au TA de Paris

Depuis mai 2018, pour enregistrer sa demande d’asile en Île-de-France, il faut passer par une plate-forme téléphonique gérée par l’Ofii. À de nombreuses reprises des associations et collectifs ont dénoncé ce système permettant à l’administration d’invisibiliser les demandeurs d’asile en attente d’un rendez-vous.

Des personnes tributaires de ce système inique, désespérées par la grande difficulté à enregistrer leur demande d’asile, ont elles-mêmes dénoncé ce système en adressant un courrier à l’Ofii.

Depuis la mise en place de ce numéro, l’accès à l’asile en IDF est entravé à cause de la saturation de la plateforme. En effet, celle-ci distribue les rendez-vous non pas en fonction du volume de la demande, mais en fonction d’un nombre fixé à l’avance par les préfectures d’Île-de-France alors que le nombre de personnes attendant l’enregistrement de leur demande d’asile est bien supérieur(1). Ce système de quota est incompatible avec la loi, qui oblige l’administration à enregistrer les demandes d’asile des personnes dans les 3 jours(2).

Non seulement ce numéro est saturé, mais il est payant. Pour un appel de 45 minutes, le montant facturé par les principaux opérateurs utilisés par les exilé-e-s est équivalent à 6,75 euros. Or, en règle générale, l’attente dure 45 minutes, après lesquelles la communication s’arrête automatiquement. Il faut alors tout recommencer.

Sachant qu’il faut de nombreux appels pour parvenir à joindre la plate-forme, certaines personnes sont contraintes de débourser plusieurs dizaines d’euros simplement pour obtenir un rendez-vous. Certaines n’y arrivent jamais.

Actuellement, bon nombre de personnes dormant à la rue, notamment dans les campements du nord parisiens, sont en attente d’enregistrer leur demande d’asile.

Cette impasse administrative laisse les personnes dans la précarité la plus totale car, tant que leur demande d’asile n’est pas enregistrée, non seulement elles n’ont pas accès à un hébergement et à l’ouverture de leurs droits sociaux, mais elles n’ont pas non plus droit au séjour. Certaines d’entre elles finissent en centre de rétention administrative (Cra) après un contrôle de police car elles ne peuvent présenter aucune attestation de demande d’asile.

Par ce système, les autorités organisent délibérément la précarité et l’irrégularité des personnes souhaitant demander l’asile.
Combien de temps ce jeu destructeur va t-il encore durer ? Combien de temps les personnes en attente de protection vont t-elles devoir dormir à même le sol et devoir choisir entre téléphoner ou manger ?

Au mois de février 2019, le tribunal administratif de Paris (TA), saisi par des exilé.es et des associations, avait estimé que « le nombre d’agents (de l’Ofii) [devait] être adapté en fonction des volumes d’appels entrants non honorés » pour respecter le délai légal d’enregistrement de 3 jours. Mais il s’était contenté, dans sa décision, d’enjoindre au directeur général de l’Office de l’immigration et de l’intégration « de renforcer le dispositif d’accueil de sa plate-forme téléphonique » en embauchant deux personnes supplémentaires(3). Ce qui ne règle en rien le problème. Des dizaines de requêtes individuelles ont été déposé ces derniers mois au TA de Paris afin de permettre aux personnes d’obtenir un rendez-vous pour enregistrer leur demande d’asile. Mais passer par un tribunal pour faire enregistrer une demande d’asile ne doit pas être la solution.

C’est pourquoi nos associations se retrouvent encore une fois aux côtés de 20 éxilé-e-s afin de demander au tribunal de sanctionner ce système globalement, voire de le supprimer, et pour que la France respecte enfin ses obligations d’enregistrer les demandeurs et demandeuses d’asile qui sollicitent sa protection(4).

Nous demandons : 

  • l’accès effectif pour toutes et tous et dans les trois jours à la demande d’asile ;
  • le renforcement des effectifs des guichets uniques pour demandeurs d’asile (Guda), en les adaptant en fonction du nombre d’appels téléphoniques entrants sur la plate-forme téléphonique de l’Ofii et la fin au plafonnement du nombre de rendez-vous aux Guda que l’Ofii peut distribuer ;
  • la mise en place en place un numéro d’urgence totalement gratuit, les demandeurs d’asile étant bien dans une situation d’ « urgence sociale » au sens de l’article D-98-8 du code des postes et des communications électroniques ;
  • un accès effectif à l’asile pour toute personne, majeure ou mineure, par le biais d’un dispositif complémentaire à la plate-forme téléphonique de l’Ofii, sous forme d’un accueil physique ;
  • et enfin, le renforcement des effectifs des structures de premier accueil (Spada) afin qu’elles puissent assurer pleinement la prestation de présentation prévue par le cahier des clauses particulières.

Nous appelons toutes les personnes solidaires à venir à l’audience au tribunal administratif de Paris, rue de Jouy (métro Saint Paul, ligne 1)

Signataires : Ardhis ; Dom’asile ; Gas ; Gisti ; JRS France ; Kali ; La Cimade ; Le Comede ; Ligue des droits de l’Homme ; Primo Levi ; Secours catholique Le cèdre ; Solidarité Jean Merlin ; Utopia 56

Télécharger au format PDF le communiqué suivi de la lettre co-écrite et signée par plus de 60 personnes exilées en attente d’un rendez-vous à la plate-forme, adressée au directeur général de l’Ofii

Paris, 19 novembre 2019

(1) Nous avons demandé à l’Ofii qu’elle communique le nombre d’appels reçu par jour en 2019, mais en vain.
En 2018, l’Ofii a annoncé le chiffre de 3 200 appels par jour alors que le nombre de rendez-vous donnés par jour en IDF est de 270 (en début d’année on était à environ 320 rendez-vous). La différence est entre appel téléphonique et rendez-vous donnés est très importante.
(2) Depuis un arrêt du Conseil d’État ce délai de 3 jours constitue une obligation de résultat pour la France, CE 28/12/2018, n°410347.

(3) TA Paris 13/02/2019, n°1902037/9.
(4) Collectif asile IDF, Le préfet de police condamné à plus de 135 reprises pour violation du droit d’asile, avril 2016.

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