« Nuit des Noirs » à Dunkerque : tradition n’est pas raison

Communiqué LDH

Le carnaval de Dunkerque est porteur d’une tradition dite « Nuit des Noirs ». Un groupe d’hommes se grime en Noirs pour mettre en scène les clichés les plus éculés du sauvage flanqué d’un pagne, d’un os dans le nez au-dessus d’une large bouche écarlate et avec, pour faire bonne mesure des peintures blanches sur le visage…

Le 10 mars prochain, comme les années précédentes, cet imaginaire colonial, témoignage d’une supériorité innée des Blancs sur des populations sauvages, fera spectacle, pour faire rire. Mais celles et ceux qui se sentiront bafoué-e-s, humilié-e-s et stigmatisé-e-s par ces représentations dégradantes ne riront pas.

Car la mascarade des « Noirs » de Dunkerque va bien au-delà de la seule utilisation de la couleur. En cela, elle flirte avec la stigmatisation et l’exclusion. Elle déclenche plus qu’un simple malaise.

Saisi de cette situation, le maire de Dunkerque a pris la plume pour camper sur la tradition, affirmant le caractère non raciste du festival et de la ville, sans hésiter à mobiliser la mémoire des victimes d’attentats en se réclamant d’un label « Je suis Charlie »… On ne peut se satisfaire de cette bonne conscience affichée. Les traditions ont une histoire qui n’est ni figée, ni absolue. Elle peut être revisitée, on doit pouvoir la discuter.

Certes, le propre du carnaval est de caricaturer et il s’agit là d’une liberté précieuse, à laquelle la LDH est farouchement attachée. Elle a d’ailleurs toujours condamné les procès en racisme quand des artistes se contentent de se peindre en noir, car la couleur n’est pas en soi un dénigrement. Mais chacun sait que certaines représentations – sous couvert d’humour – viennent alourdir le poids des discriminations. Pour celles et ceux qui les subissent, ce sont des facteurs de souffrance et d’exclusion.

Refuser de l’entendre et de le mettre en débat au nom d’une « majorité » non identifiée opposée à une minorité, bien visible celle-là, c’est ignorer la complexité des situations présentes, la réalité des souffrances et des colères en cours.

Faut-il vraiment, au nom du statu quo, fragiliser le respect et l’égalité auxquels toutes et tous ont droit ? Ni la République, ni l’ordre public, ni la fête n’y trouvent leur compte. C’est pourquoi la LDH invite la municipalité de Dunkerque à engager un débat avec le sérieux et le souci d’humanité que le sujet requiert. Elle l’invite à enrichir la tradition carnavalesque en défendant ce qu’elle porte de meilleur, le rire, un rire allégé d’une histoire tissée de mépris, de souffrances et de larmes.

Paris, le 16 février

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