La LDH soutient le film « Sans adieu », de Christophe Agou

Sortie le 25 octobre

Sortie le 25 octobre 2017

Dans sa ferme du Forez, à l’est du Massif Central, Claudette, 75 ans, se bat pour rester digne face à une société qui n’a plus grand-chose à faire d’elle, et dont elle a du mal à accepter et à suivre l’évolution. Le monde moderne avale chaque jour un peu plus ses terres, ses bêtes et celles de ses voisins. Comme elle, Jean, Christiane, Jean-Clément, Raymond, Mathilde et tous les autres résistent et luttent au quotidien pour préserver leurs biens… leur vie.

Ce film magnifique nous offre une immersion d’une grande sensibilité, vérité et poésie
au cœur d’une humanité négligée, abandonnée, si ce n’est méprisée.

Christophe Agou, le réalisateur décédé à l’issue du montage du film, était photographe et vivait à New York. Après avoir couvert le 11 septembre, il a souhaité rentrer chez lui, dans sa terre natale du Forez et souffler un peu. Au début des années 2000, grâce à son beau-père facteur, il a rencontré tous les personnages de ce film et a commencé à les photographier. A la retraite de son beau-père, c’est avec le vétérinaire qu’il a continué ses tournées et rencontré de nouvelles personnes. Au final, une vingtaine de personnes ont été photographiées pour son livre Face au silence qui est sorti en 2010 dans de nombreux pays. Et c’est sa rencontre avec le producteur du film qui a donné naissance à ce dernier.

«Sans adieu» est l’expression employée par le personnage central, Claudette, pour dire au revoir au réalisateur, chaque fois qu’une de ses visites chez elle prenait fin.
Filmé sur une quinzaine d’années, « Sans Adieu » a pour point de départ l’histoire de paysans ballotés au rythme des politiques agricoles successives et qui vivent entre deux mondes : celui d’hier, dans lequel ils sont profondément ancrés, et celui d’aujourd’hui dont ils ont du mal à comprendre le sens bien qu’ils en soient parfaitement informés. Avec l’âge, la globalisation et le progrès bousculent leurs vies toujours un peu plus mais ils s’accrochent à leurs terres et à leurs bêtes. Derniers représentants d’un monde perdu, la dureté de leurs vies de labeur se lit sur leurs visages et sur leurs mains.

Le producteur explique : « Christophe Agou voulait donner la parole à ceux à qui on ne la donne jamais, ceux que les institutions et les pouvoirs divers ont laissé tomber, ceux que l’on a sacrifiés au nom de la modernité, de la rentabilité et de la consommation. On s’interroge souvent sur le sous-prolétariat urbain mais très peu sur ceux qui souffrent en silence en milieu rural. Christophe a fait le choix de filmer l’humanité qui émane de ces êtres qui n’intéressent personne (…). J’y vois personnellement un hymne à la résistance car ses gens se battent avec cœur ».
Et du réalisateur, nous avons ce témoignage : « Moi, qui croyais rencontrer des gens isolés et repliés sur eux-mêmes, j’ai découvert qu’ils sont les témoins de ce monde qui s’éteint. J’ai alors décidé que ce film devait les relier à notre monde à nous. Au centre j’ai placé Claudette. Elle incarne le fossé qui sépare une certaine ruralité de notre monde moderne. Indomptable, elle n’a rien lâché jusqu’à ce que la vieillesse et la maladie aient raison d’elle. Les autres personnages, ses voisins, sont comme une partie d’elle-même ou ses dignes héritiers. La rencontre avec de tels personnages, des gens de peu, comme on disait autrefois, m’ont amené à m’interroger sur la consommation et la surconsommation ».

Le film est construit, sans entretien ni commentaire, autour de ses personnages. Le réalisateur s’est attaché à leurs langages, aux sons de leur vie, aux mouvements de leurs corps et à leurs gestes.
« Furibarde, crasseuse, malade, injuriant son chien Titi du matin au soir, frappant ses oies, nourrissant ses poules dans une épave de Citroën, Claudette mène, tout affect dehors et d’une voix de crécelle, une guerre sainte contre le sadisme de l’administration et la stupidité de la télévision ».

La caméra l’enveloppe d’une immense affection et on se prend à admirer sa capacité de résistance. Elle bataille contre les assistantes sociales et les organisations agricoles pour rester encore un peu chez elle.

Les personnages sont filmés avec respect et si le dénuement dans lequel ils vivent est filmé sans fard dans toute la violence de leur pauvreté, à aucun moment, la pitié n’est convoquée mais au contraire c’est la conscience qu’ils ont d’eux mêmes et leur capacité de faire face qui nous frappe. L’un des moments le plus émouvant du film est celui où l’un des voisins de Claudette assiste avec une dignité hors du commun au départ de ses vaches pour l’abattoir sous la crainte d’une épidémie incertaine.

Claudette a environ 70 ans lorsqu’on la rencontre pour la première fois et est donc contemporaine de toutes les transformations initiées depuis l’après-guerre, auxquelles elle n’a pas pu ou voulu prendre part. Elle témoigne de l’indéracinable esprit d’indépendance des cul-terreux et exprime sa farouche réprobation envers un monde qui ne l’a pas respectée. En cela, elle sort de la condition paysanne pour rejoindre la cohorte de tous les miséreux, les isolés, les maltraités, qui, au rythme des différentes politiques publiques que les administrations imposent, persistent à vivre en dehors des cases qui leur sont affectées.

Et pour cette raison, nous pensons que ce film peut nous permettre de sortir des classifications habituelles et aborder, grâce à sa radicalité, différents niveaux de résistance individuels que peuvent adopter, aujourd’hui, un certain nombre de pauvres, de vieux et d’isolés en tout genre. C’est pourquoi les associations, mobilisées sur les questions du monde paysan, des personnes âgées, du mal logement, de la grande pauvreté et des droits de l’Homme, sont invitées à se rassembler autour du film pour mettre à jour l’état d’abandon dans lequel sont laissés celles et ceux qui ne veulent pas rentrer dans le rang.

 

Sans adieu

Film de Christophe Agou

Durée : 1h39

Communiqués de la LDH

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