Le sport pour le sport

Appel lancé par des organisations de défense des droits de l’Homme, dont la LDH, aux gouvernements des pays participant au championnat du monde de hockey 2014 à Minsk

Le Championnat du Monde de Hockey sur Glace se tiendra du 9 au 25 mai 2014 à Minsk (Belarus).

En tant que représentants d’organisations internationales et nationales de défense des droits de l’Homme (cf. ci-dessous la liste des signataires), nous accueillons positivement cette occasion exceptionnelle offerte à la population bélarusse de profiter de cette compétition sportive accueillie par leur pays, et d’apprécier les valeurs universelles véhiculées par le sport.



Toutefois le gouvernement, y compris le Président Alexandre Lukashenko lui-même, a largement débordé le cadre de ces valeurs en affirmant à de nombreuses reprises que le Championnat mondial de hockey sur glace constituait un événement politique important. Les commentaires formulés ne permettent aucun doute sur le fait qu’en adressant des invitations aux gouvernements de participer au Championnat, le pouvoir cherche par tous les moyens à faire d’un événement sportif international une manifestation idéologique et politisée à la gloire du régime – autoritaire – du Belarus.

En raison des violations systématiques et graves des droits humains perpétrées en République du Belarus, nos organisations lancent un appel aux pays dont les équipes nationales participeront au Championnat pour empêcher le gouvernement du Belarus de faire de cet événement sportif une plateforme politique. Le sport pour le sport ! Que les valeurs universelles du sport dominent cette importante manifestation, sans qu’elles soient portées au crédit du régime de Lukashenko, qui a été condamné par l’ensemble de la communauté internationale.

En conséquence, nos organisations appellent les Etats concernés à s’abstenir d’envoyer des délégations gouvernementales officielles pour participer à des manifestations liées au Championnat.

Voilà 20 ans qu’Alexandre Lukashenko se trouve à la tête du pays. Aujourd‘hui, la tendance générale est à la persécution, à des fins politiques, des représentants de la société civile et de l’opposition, alors que les restrictions sur les droits civils et politiques des citoyens sont omniprésentes, à la fois dans la législation et dans la pratique.

9 prisonniers politiques sont encore détenus, malgré la mobilisation constante pour obtenir leur libération d’organisations de défense des droits de l’Homme bélarusses et internationales, ainsi que d’organismes intergouvernementaux : Ales Bialiatski, défenseur des droits humains, directeur du Centre des droits de l’Homme « Viasna » et Vice-président de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme), Mikolai Statkevich, candidat à l’élection présidentielle de 2010, les militants Andrei Haidukov, Vasilii Parfenkov, Nikolai Dedok, Igor Olinevich, Eduard Lobov, Evgenii Vaskovich et Artem Prokopenko. Les conditions de leur détention et leur état de santé inspirent de très sérieuses inquiétudes.

Le Belarus est le seul pays d’Europe, et de l’ancienne sphère soviétique, qui applique encore la peine de mort. Actuellement, trois personnes se trouvent dans le couloir de la mort (1). Les militants des droits humains ont à maintes reprises demandé au gouvernement d’instaurer un moratoire sur la peine de mort, mais les condamnations à la peine capitale et les exécutions continuent.

Outre les droits fondamentaux politiques et civils, les droits économiques et sociaux font l’objet de violations tout aussi répandues, notamment via la mise en œuvre de pratiques de travail forcé. Les graves violations du droit du travail n’épargnent aucun secteur, pas même les travaux préparatoires du Championnat du monde de hockey sur glace. Les étudiants de plusieurs établissements ont été obligés de travailler à la construction du stade Chizhovka, à Minsk, où se dérouleront certaines des épreuves du championnat.

En outre, le Comité exécutif municipal de Minsk a déclaré officiellement qu’en prévision du Championnat, la ville sera « nettoyée » des « éléments anti-sociaux », c’est-à-dire les sans-logis, les alcooliques et les prostituées. De récents reportages illustrent les méthodes de « nettoyage » utilisées par le régime. Il faut noter que le Belarus promeut activement la détention de personnes atteintes d’alcoolisme et de toxicomanie, ainsi que leur internement dans des camps spéciaux de travaux forcés. Ces mesures touchent des milliers de personnes chaque année.

En s’abstenant d’entrer dans le jeu politique du Championnat du Monde de Hockey sur Glace, les gouvernements des pays concernés permettront aux athlètes et à leurs supporteurs de profiter des évènements sportifs sans cautionner toutes les violations que les Nations unies et d’autres organismes internationaux ont maintes fois qualifiées de graves, systémiques et systématiques.

Ont signé (par ordre alphabétique) :

Civil Rights Defenders (Suède)

FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme)

Finnish League for Human Rights (Finlande)

Human Rights Center “Viasna” (Belarus)

Kazakhstan International Bureau for Human Rights Rule of Law (KIBHR) (Kazakhstan)

LDH, Ligue française des droits de l’Homme (France)

Libereco – Partnership for Human Rights (Allemagne, Suisse)

LIDU, Lega italiana dei diritti dell’uomo (Italie)

Ligue des droits et libertés (Canada)

Norwegian Helsinki Committee (Norvège)

Östgruppen (Suède)

(1) En avril 2014, Pavel Selyun, un quatrième condamné à mort de 23 ans, a été exécuté. Il s’agit de la première exécution depuis 2012.

Communiqués de la LDH

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