Lettre ouverte adressée au président de la République au sujet des réfugiés syriens établis dans un square, à Saint-Ouen

Lettre ouverte cosignée par Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Karim Lahidji, président de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) et Michel Tubiana, président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), adressée au président de la République



Monsieur le Président,

Cent soixante réfugiés syriens, dont soixante enfants, campent dans un square. Nous voulons vous dire au nom de nos associations mais aussi au nom, nous en sommes certains, de millions de Français, notre honte et notre colère.

La France, avec raison, a soutenu ceux et celles qui, en Syrie, ont remis en cause la dictature d’un régime qui n’a jamais reculé et qui n’a cessé de soumettre son peuple à l’arbitraire, aux tortures, aux disparitions forcées et aux meurtres. Un régime qui n’a eu de cesse que d’éliminer toute opposition et d’éradiquer toute contestation, y compris en usant de l’arme chimique à plusieurs reprises, et peut-être encore tout récemment.

La France, par votre engagement, s’est portée aux côtés de ceux et celles qui mènent en Syrie le combat pour la liberté.

Au moins deux millions d’entre eux ont pris le chemin de l’exil pour fuir les exactions du régime, mais aussi les exactions de ces factions qui profitent du combat pour la liberté pour tenter d’installer une autre forme de dictature. La plupart de ces réfugiés croupissent, il n’y a pas d’autres mots, dans des camps de fortune installés au Liban, en Turquie ou en Jordanie.

Nous avions déjà interpellé les autorités françaises sur leur refus de recevoir, si ce n’est au compte-gouttes, quelques-uns de ces réfugiés.

Mais voici que ceux et celles qui, ayant réussi à déjouer tous les pièges et tous les empêchements, sont accueillis comme des parias, sans aide, sans la moindre manifestation de fraternité.

Nous avons honte, Monsieur le Président, de constater que l’appel à lutter contre la dictature syrienne s’accompagne d’un déni d’humanité sur notre sol.

Nous sommes en colère parce que cette attitude viole ce qui nous est le plus cher : le principe qui fait que chaque homme, femme et enfant, porte la même humanité et a droit au même respect et à la même dignité.

Nous sommes en colère parce qu’on ne peut impunément encourager la révolte de ceux et celles qui luttent pour la liberté et refuser à cent soixante d’entre eux le minimum vital : autant dire que les encouragements que vous avez prodigués au nom de la France ne valent qu’à la condition que les Syriens acceptent de voir leurs familles mourir en Syrie.

Certes, et nos associations et d’autres qui s’en préoccupent chaque jour le savent bien, d’autres réfugiés souffrent en France et partout en Europe de ne pas être accueillis dignement et méritent tout autant notre considération. Mais aujourd’hui, l’urgence concerne cent soixante personnes que la France a décidé de recevoir tout en les laissant à la rue.

D’autres ont déjà alerté les pouvoirs publics, nous nous y sommes joints mais nous n’avons pas été entendus.

C’est donc au nom des principes de la République que vous avez la charge de faire respecter que nous vous demandons d’appliquer concrètement le droit d’asile au bénéfice de ces cent soixante réfugiés syriens.

Vous comprendrez que nous rendions publique cette lettre.

Vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez au présent courrier, nous vous prions de bien vouloir recevoir, Monsieur le président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Karim Lahidji, président de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH)

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH)

Michel Tubiana, président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)

Paris, le 23 avril 2014

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